Pourquoi dit-on « parler la langue de Molière » ?
« S’il est une incarnation de la langue classique, en réalité la langue de ses pièces est extrêmement riche et s’écarte volontiers des normes en train de s’établir à son époque », explique Céline Paringaux, spécialiste de Molière.
« Sa grande invention, c’est sa capacité à faire parler les personnages selon leur condition. Les gens du monde, les pédants à l’intérieur des gens du monde, le paysan, le médecin. Avec des mots, des tons, des accents différents », estime Georges Forestier, biographe de Molière.
Au 17e siècle, Molière sait s’adresser à tous les publics, partout en France ou à la cour de Versailles. Ses mots sont compris et font rire toute la société. « On trouve aussi bien du familier que du soutenu, de la prose que des vers, même de l’occitan et du picard. La palette est tellement large que les lecteurs et spectateurs de toutes les époques y ont trouvé leur bonheur », explique Céline Paringaux.
Molière va donc incarner cette langue française. A tel point qu’à partir du 19e siècle on utilisera l’expression « la langue de Molière » pour désigner la langue française. « Qu’il touche un public très large, encore aujourd’hui, fait de Molière un passeur d’une langue qui est partie intégrante de notre patrimoine« , estime la spécialiste.
« Molière a servi très tôt, et de son vivant, d’outil d’ambassade. Le français va se diffuser dans toutes les cours d’Europe, jusqu’à celle de Russie. La langue de Molière va se positionner comme celle des classes dominantes, vecteur d’une distinction sociale », affirme Martial Poirson, professeur de lettres.
Et pourtant, aujourd’hui, plus personne ne parle vraiment la langue de Molière, de son époque. En effet, le vocabulaire des pièces de Molière, ainsi que son orthographe ont bien évolué. D’après les linguistes Laélia Véron et Maria Candea dans Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique (La Découverte, 2019), chez Molière, le pronom est placé avant le verbe, on dit « vous vient embrasser » et non « vient vous embrasser ». La graphie varie aussi beaucoup de celle d’aujourd’hui, les imprimeurs de l’époque n’utilisant pas les lettres « i » et « j », ni « u » et « v », selon leur prononciation, mais selon des règles de position. Impossible de parler ou d’écrire véritablement comme Molière, ce dernier étant d’ailleurs mort « avant la publication du premier dictionnaire de l’Académie française« , rappellent encore les deux linguistes. Les textes « classiques » de Molière que l’on étudie aujourd’hui à l’école sont en fait modernisés dans leur graphie.
D’autre part, les dialectes, accents et prononciations des personnages peuvent aujourd’hui sonner bizarrement à notre oreille. Mais on les comprend, et notamment parce qu’ils parlent la langue de leur condition sociale : celui du médecin ou de la femme savante, du gentilhomme ou de la servante. Enfin, certains linguistes ont également constaté que Molière inventait certains termes ou expressions.
Quoi qu’il en soit, Molière nous a laissé une précieuse variété de caractères à travers ses formules, ses observations fines et ses trouvailles.
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